Interviews de deux Start up dans les énergies renouvelables

Comment les Start up dans les énergies renouvelables agissent-elles pour la transition énergétique ? 

La transition énergétique est un processus évolutif une modification structurelle profonde des modes de production et de consommation de l’énergie qui doit prendre en compte les évolutions technologiques et notre capacité à innover pour utiliser des énergies plus propres.

J’ai choisi d’approfondir ma réflexion de mon article sur la définition de  transition énergétique et ses enjeux avec l’expérience du terrain en interviewant Thomas Sanchez CEO de Voltyo et Raymond Sar CEO de Jokosun.  Deux Start up qui oeuvrent dans les domaines des énergies renouvelables et l’efficience énergétique pour la transition énergétique en France et au Sénégal. La première aide les entreprises à réduire la consommation énergétique de leur bâtiment et la seconde installe des kit solaires dans les villages du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest. 

Interview n°1 : Thomas Sanchez CEO de Voltyo

« Le bâtiment devient intelligent ! »

1) Présentes ta Start Up, sa raison d’être, sa (ses) missions ?

Voltyo existe depuis début 2020.

Notre volonté est d’accompagner les entreprises pour réduire leurs factures énergiques en proposant un contrôle des équipements de leurs bâtiments.

Aujourd’hui la gestion technique centralisée coute chère, évolue mal dans le temps, est compliquée à utiliser et nécessite des travaux longs et complexes.

90 % du parc français n’est pas équipé à cause de cela.

Or, la mise en place d’une gestion automatisée des bâtiments (chauffage, climatisation, éclairage, …) permettrait d’économiser jusqu’à 40% d’énergie. Il faut ajouter que la consommation énergétique liée au chauffage des bâtiments professionnels représente à elle seule 50% de la consommation énergétique nationale. Il est donc primordiale de s’y intéresser.

Notre vision est de rénover le parc existant avant d’en construire de nouveaux car c’est une véritable passoire énergétique !

Nous proposons une alternative afin de révolutionner le marché avec un coût d’investissement bas, une mise en place plus facile avec une plateforme web qui est l’équivalent de la domotique pour particulier.

Cela permet par exemple de chauffer uniquement quand il y a du monde dans les bâtiments, de couper les ordinateurs, les éclairages.

L’équipement est simple : un capteur de mesure sans fil et une batterie qui a plusieurs années d’autonomie. Des paramètres peuvent être mesurés comme le taux de C02 dans l’air, l’humidité ou le niveau de température intérieure.

On peut contrôler tout ça depuis la plateforme à distance.

L’intelligence de notre solution réside dans cette plateforme et le temps d’installation se fait en 1 jour contre plusieurs mois pour un équipement actuel.
Le but est d’être performant et automatisé pour ne pas avoir à se connecter à la plateforme, le mainteneur s’en occupe.

Le bâtiment devient intelligent !

La force et l’utilité de cette technologie est qu’elle est accessible à tous, met moins de temps à s’installer et est plus rentable avec un système d’abonnement contrairement à un système traditionnel qui met 10 ans pour avoir un retour sur investissement.

2) La transition énergétique peut-elle se faire sans un changement de nos modes de consommation ? Une « croissance verte » est-elle viable ?

Non. Il faut absolument que l’on change nos modes de consommation actuels.

Pour les bâtiments il est primordial de réaménager ce que l’on a construit hier. La norme RT 2012 est bien mais il faudrait aussi le faire dans l’existant.

D’autres points sont incohérents comme le label BBC. L’État organise cela et l’entreprise utilise ce label pour faire en sorte de faire plus de marge : les panneaux solaires rapportent le plus de points par rapport au coût, on voit des constructions qui sont des passoires thermiques avec plein de panneaux solaires sur le toit et dont l’énergie est revendue à EDF car pas utilisée le soir.

De même c’est absurde de conseiller l’installation de deux panneaux solaires sur une maison car le rapport production d’énergie/investissement est trop faible !

On ne donc peut pas attendre que l’État parle de transition écologique.

On a beau se dire que cela change mais il faut s’investir personnellement.

Je crois en une économie circulaire locale sur l’énergétique avec une consommation par zone, par quartier et par exemple la possibilité d’utiliser l’énergie de l’usine à proximité. Il faut voir la consommation d’énergie comme un écosystème et non de façon individuelle.

Ce n’est pas suffisant si ça vient d’en haut, les entreprises doivent prendre l’initiative de rénover l’existant ou de recycler le mobilier.

Il y a des investissements faciles à mettre en place et rentables dans des équipements plus efficients comme les leds qui consomment 50 fois moins.

La croissance verte est du greenwashing total !

Or la population augmente donc une décroissance est compliquée.

Je suis pour une décroissance positive où l’on prend de nouvelles habitudes pour réduire notre consommation d’énergie dans l’entreprise mais aussi au quotidien.

3) Les énergies renouvelables seraient-elles capables de satisfaire la totalité des besoins énergétiques de la France ?

Ni oui ni non, ces énergies renouvelables pourraient subvenir en partie à nos besoins énergétiques. L’argument nucléaire est important : des scénarii de transition existent bien que nous ne sachions toujours pas quoi faire des déchets.

  4) Comment envisages-tu les évolutions technologiques dans les énergies renouvelables et les modes de consommation dans les années et décennies à venir ?

D’accord le renouvelable ne peut pas tout remplacer puis l’éolienne et le photovoltaïque sont des « faux renouvelables » à cause de l’utilisation des terres rares. Mais qu’est-ce qu’on a d’autres ?

L’énergie issue de l’hydrogène peut être intéressante, on commence à voir certaines voitures l’utiliser comme dans les pays du nord.

Les évolutions technologiques vont permettre des avancées et notamment en termes de recyclage. La durée de vie d’un panneau photovoltaïque est de 10/15ans, les premières centrales vont mourir et on ne se sait pas comment recycler tous les composants.

On a toujours su produire avant de recycler !

5) As-tu un conseil à donner à une entreprise pour réduire sa consommation d’énergie ?

Il y a plein de moyens : réfléchir comme à la maison (ex : éteindre la lumière…), appliquer au travail tous les gestes que tu fais chez toi (limiter les déplacements, éteindre les appareils) !

C’est au dirigeant d’être le vecteur de ces valeurs.

Il est important de recruter des personnes qui en phase avec ces valeurs pour les appliquer dans l’entreprise.

Les choses changent, les mentalités évoluent.

Interview n°2 : Raymond Sarr CEO de JokoSun

« Même un petit projet à un grand impact ! »

1) Présentes ta Start Up, sa raison d’être, sa (ses) missions ? 

Formé en 2015 JokoSun fournit de l’énergie à des personnes hors réseau dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest car on ne peut pas se développer dans le monde dans lequel on vit sans accès à une énergie pérenne et suffisante.

L’obsession de JokoSun est de fournir une énergie suffisante avec le moins de pertes. Ni pas assez ni trop. C’est le problème en Afrique avec des projets de centrales électriques qui ne prennent pas en compte les besoins réels de la population.

L’efficience énergétique est donc primordiale pour le développement.

Nous fabriquons des kits solaires modulables pour des foyers et des entrepreneurs.

Joko signifie « lien » en Wolof.

Au Sénégal, il y a un lien fort entre les villes et les zones rurales, les populations urbaines y envoient de l’argent.

JokoSun se sert de ce lien pour avoir accès aux zones rurales et aider des foyers ainsi que des petits entrepreneurs à accéder à l’électricité grâce aux kits solaires.

Notre offre permet d’accéder à l’électricité avec un abonnement mensuel pour faciliter l’accès à l’équipement (entre 5 et 8 € par mois) et éviter de payer l’équipement au début car les gens n’ont pas de compte bancaire dans les zones rurales.

2) Quelle est ta vision de la transition énergétique ? 

La consommation d’électricité d’un français moyen est 27 fois plus importante qu’un sénégalais. On observe aussi que la consommation sénégalaise augmente très vite. 

Pour qu’il y ait une transition énergétique on comprend que la consommation mondiale doit baisser drastiquement.

On n’a pas besoin de consommer autant que dans les pays développés. De l’autre côté il y a de vrais besoins dans des régions où pour 2 hectares il ne faudrait qu’une pompe solaire.

Le défi de JokoSun est d’assurer une autonomie en énergie, fiable et accessible.
L’objectif n’est pas de surdimensionner mais de construire quelque chose de vertueux.

En France on a le réseau le meilleur du monde mais on est obligé de le rentabiliser.

Ma vision de la transition énergétique c’est une décroissance lente dans les pays occidentaux et une consommation mondiale qui baisse. De l’autre côté permettre le développement d’une utilisation efficiente de l’énergie dans les régions qui n’y ont pas accès.

3) Comment les énergies renouvelables participent-elles à cela ? Sont-elles assez développées, assez propres ?
 

Les contextes sont importants. Ex : différence entre Allemagne et France (charbon et nucléaire).

Remplacer l’énergie fossile par une autre sans savoir de quoi on a besoin est vain.

Il y a maintenant une dépendance à des terres rares, on passe d’une dépendance à une autre !

Le contexte joue un rôle prédominant. En France le réseau est construit pour développer le nucléaire, il existe donc des problèmes techniques si l’on veut le remplacer.

Toute énergie consommée en surplus crée une dépendance.

Le vrai problème est que l’on consomme trop !

J’ai grandi à Dakar il y a 20 ans, j’ai vu l’accumulation de richesses apparentes, résultat d’un consumérisme assez poussé qui est ravageur et gâchant les plaisirs simples.

Il y a une distorsion avec les zones rurales où les habitants cherchent encore à subvenir à leurs besoins primaires en énergie mais où le lien et le respect à la nature est préservé. Ils savent ainsi que l’énergie est précieuse. Les gens n’ont pas envie de faire des exodes ruraux.  Avoir accès à de l’énergie permettrait d’éviter cela.

Des petits ajustements ont un impact concret.

Il faut arrêter les projets qui ne sont pas sensés comme des centrales électriques qui apportent 100 fois plus d’énergie que nécessaire. Hélas c’est la vision dominante.

Nous prouvons avec JokoSun que de petits moyens permettent de construire un projet en partant de la base avec les acteurs concernés.

Même un petit projet à un grand impact !

Il accompagne le mouvement naturel vers plus d’autonomie.

Nous avons à nous inspirer du rapport à l’énergie des habitants des zones rurales sénégalaises en termes d’autonomie énergétique. Notre action montre qu’il est possible de construire un modèle vertueux.

Conclusion :

De pouvoir partager avec eux sur leurs projets plein de sens réalisés avec enthousiasme mais aussi réalisme m’a motivé dans ce que je fais au quotidien et avec mon entreprise car c’est bien dans l’action que l’on réalise sa vision du monde et aussi en réalisant ses engagements. Au sein du collectif We Act For Earth nous avons mis en système d’engagements à atteindre dans différents domaines dont dans le domaine du numérique responsable.

Vous pouvez nous suivre sur notre groupe Linkedin pour suivre d’autres entrepreneurs qui partagent leurs solutions en faveur de la transition écologique.

LinkedIn : Florian LARIO—Poète de la communication  

Article illustré par Estelle Chambon, Steliegraphie.

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